Backfeed est une startup israélienne qui développe des applications sociales décentralisées pour tout type d’organisation, grâce à la blockchain et à ethereum, en particulier. Il nous a semblé intéressant d’aller interviewer directement un acteur de la blockchain pour comprendre au mieux les enjeux de cette nouvelle technologie, simplement et avec pédagogie. Julian Feder, le responsable de la communication, s’est prêté au jeu des questions/réponses par mail.
Pouvez-vous vous présenter et nous dire quelles sont les principales missions de votre société Backfeed ?
Backfeed développe des OS et applications sociales pour des organisations décentralisées. Ces projets sont tous en open-source. Nous fournissons aux contributeurs les infrastructures nécessaires pour qu’ils puissent créer et partager en toute confiance, notre but étant de mettre en capacité chaque individu pour qu’ils puissent collaborer de n’importe où avec ses pairs, sans avoir sur le dos une hiérarchie pesante et contraignante. Le cœur de notre activité tourne autour du protocole Backfeed.
La blockchain a aujourd’hui le vent en poupe : pourquoi s’intéresse-t-on aujourd’hui à une technologie vieille de 8 ans ? Quel a été, selon vous, l’élément déclencheur ?
Elle a le vent en poupe, certes, mais elle n’est pas encore tout à fait mainstream, même si ce n’est plus qu’une question de temps pour qu’elle le devienne. L’intérêt particulier que l’on porte actuellement à la blockchain est dû à l’incroyable popularité du bitcoin, avec lequel quelques personnes ont réussi à faire fortune. Cependant, la communauté de développeurs a compris le potentiel de la technologie sur laquelle reposait la monnaie virtuelle, notamment pour résoudre des problèmes que l’on jugeait insolubles. Selon moi, l’attention actuelle est portée par deux nouveaux projets, Ethereum et Ripple, qui ont révélé au secteur financier tout le potentiel disruptif de la blockchain. Du coup, il s’avère que l’avènement de l’ordinateur mondial Ethereum et de ses applications dans l’internet des objets seront certainement les projets les plus excitants à suivre, d’où l’engouement.
Quel est le problème avec la centralisation ?
Je pourrais répondre à cette question de différentes manières.
D’un point de vue purement technologique, les réseaux centralisés sont beaucoup moins sécurisés que leurs homologues décentralisés. Il en va de même si on compare leur performance et leur « évolutivité ». Les serveurs décentralisés n’ont pas de points d’entrée qui permettent de les pirater, pouvant entraîner des crashs en cascade. On peut les concevoir pour qu’ils deviennent plus gros et plus rapides assez rapidement, ce qui est contraire à la logique client/serveur.
Puis, il y a l’aspect économique, les plateformes et applications décentralisées peuvent réellement faciliter la venue d’une économie en pair à pair, en créant de la valeur circulaire et en éliminant toute forme d’intermédiation qui posséderait en fait toutes les données, laisserait les personnes faire le travail mais en tirerait tous les bénéfices. Que font actuellement des entreprises comme Uber ou Youtube ? Exactement, cela. Dans un réseau décentralisé, tous les revenus générés resteraient entre les mains des utilisateurs et non dans les leurs, on continuerait à les encourager pour créer in fine un tout nouveau business model, plus juste et plus performant. C’est exactement ce que nous essayons de développer chez Backfeed.
Et enfin d’un point de vue politique, les réseaux décentralisés sont inviolables et non censurables, la prise de pouvoir est quasi impossible. Les registres distribués ont l’énorme avantage de pouvoir réduire la corruption, faciliter la transparence, minimiser le poids de la bureaucratie et baisser divers droits d’entrée à divers services et industries.
Existe-t-il plusieurs blockchains ? Sont-elles tous compétitives ? Et selon vous, quelle est celle qui est la plus prometteuse ?
Si j’ai bien compris votre question et bien, en effet, il existe plusieurs blockchains dans le monde. Le terme lui-même se réfère à un registre distribué, maintenu par un large groupe de personnes – les mineurs – qui vérifient tout. La manière dont le contenu, les entrées et la versalité des opérations sont faits, varie d’une blockchain à l’autre. Par exemple, celle du Bitcoin enregistre principalement des transactions, alors que celle d’Ethereum peut exécuter des programmes ou des contrats intelligents.
Certaines sont en concurrence mais de manière intelligente, car dans un environnement ouvert, une blockchain compétitive ne fait pas sens. La compétition est totalement conceptuelle, elle est plutôt de l’ordre de l’idée et de la manière de penser.
Personnellement, Ethereum est, à mon sens, la blockchain de demain, surtout si on admet qu’Internet reposera sur ce protocole dans les années à venir. En fait, chez Backfeed, nous envisageons concrètement cette possibilité en nous concentrant uniquement sur Ethereum.
Quels sont les secteurs qui peuvent être potentiellement touchés par cette technologie ?
En premier lieu, le secteur financier, évidemment puisque cette technologie permet fondamentalement toutes formes de transaction, qui est l’alpha et l’oméga de cette industrie. Mais, plus largement, dès qu’une activité demande à des intermédiaires d’extraire de la valeur d’un groupe de personnes en capacité, cette technologie pourra prendre le relais. Chaque pan de l’économie sera, à un moment ou un autre, confronté à cette réalité – que ce soit par les blockchains ou par une autre technologie – comme ils ont dû faire face à l’avènement d’Internet.
Les Français sont très inquiets quant à la divulgation de leurs données personnelles. A tort ou à raison, la blockchain donne l’impression d’annoncer la fin de l’anonymat sur Internet. Qu’en pensez-vous ?
En fait, à certains degrés, c’est exactement le contraire qui se produira. Cette technologie permet en fait aux gens d’avoir directement la main sur leurs données personnelles puisqu’elles ne sont plus centralisées et détenues par un gouvernement ou une multinationale comme Google. La blockchain nous libère de cette dépendance et éradique cette position dominante et privilégiée. De toute manière, il est essentiel que la société civile reste très vigilante sur la sécurité des données et la vie privée.
Quels bénéfices l’utilisateur final tirera de la blockchain ? Pourra-t-il s’en servir aisément sans être un développeur ?
Potentiellement, oui. Il y a 10-15 ans, créer et déployer un site web n’était pas si facile. Des outils, comme WordPress ou Wix, ont rendu le web plus accessible. Mais comme toute technologie, cela prend du temps mais la Blockchain accélèrera ce processus, puisque la connaissance est déjà partagée grâce aux personnes et aux applications qu’elles développent dans ce sens.